1588, pour Montaigne, cette année-là devait être « mirabilis » ! N’avait-il pas, pour la première fois, l’occasion de publier à Paris les trois livres des Essais, après la parution des deux premiers livres à Bordeaux en 1580 ? Après trente ans de guerres de religion, n’avait-il pas reçu mission de réconcilier le roi Henri III et le protestant Henri de Navarre, prétendant légitime à sa succession sur le trône de France, exclu de ses droits en 1585 sous la pression de la sainte Ligue catholique et du duc Henri de Guise son chef militaire ? Hélas, son expédition, semée d’embûches et jalonnée d’assauts de la maladie, eut pour seule éclaircie sa rencontre avec Marie de Gournay, promue lectrice de la nouvelle édition des Essais. De saison en saison, 1588 devint pour Montaigne une « annus horribilis », ponctuée d’événements politiques inattendus et terribles.
À l’aube d’une situation révolutionnaire en France, disparaît le portrait habituel d’un écrivain philosophe retiré chez lui, en « pays sauvage », pour achever dans le calme et la sérénité une œuvre dont la renommée gagne l’Europe.
L’autrice
Anne-Marie Cocula, professeur émérite et présidente honoraire de l’Université Bordeaux-Montaigne, a consacré une thèse pionnière sur l’histoire de la rivière de Dordogne aux XVIIe et XVIIIe siècles, récemment rééditée, avant de concentrer ses recherches sur l’histoire des guerres de religion dans la province de Guyenne, sur les réseaux des clientèles nobiliaires et sur le rôle politique de ses écrivains et penseurs. Parmi eux se détachent Brantôme, La Boétie et Montaigne.